HISTOIRE DU VILLAGE DE SAINT ANDRE D'OLERARGUES



photo en tete.

Cinquante ans de luttes entre la communauté de St André d’Olérargues et les Seigneurs du lieu depuis 1757 à propos des privilèges féodaux

L'objectif de ce site est de faire connaître l'histoire pré-révolutionnaire du village au XVIII° siècle à la lumière du déchiffrage et de la transcription de documents éparses et manuscrits conservés aux archives de la commune. C'est à la fois un travail d'histoire et de mémoire pour expliquer aux générations futures comment vivaient les générations passées.



Sommaire chronologique de l'étude

PROLOGUE
CHAPITRE I - Contexte historique.
CHAPITRE II - Les protagonistes.
CHAPITRE III - Chronique de l’année 1757 à Saint André d’Olérargues.Il y a deux cent soixante ans !
CHAPITRE IV - Le Seigneur local Messire de Vivet de Servezan.
CHAPITRE V - Le début des hostilités avec Messire Vivet de Servezan.
CHAPITRE VI - Restitution et vérification du Compoix.
CHAPITRE VII - La vie continue mais le litige aussi.
CHAPITRE VIII - Les héritiers de Messire de Vivet de Servezan relancent les hostilités.
CHAPITRE IX - La vie continue avec ses difficultés.
CHAPITRE X - Dénouement (provisoire) du conflit entre la communauté et les Seigneurs du lieu.
CHAPITRE XI - Quelques délibérations de la vie ordinaire avant la reprise des hostilités.
CHAPITRE XII - Changement de Seigneur reprise des hostilités.
CHAPITRE XIII - Lexique.



CHAPITRE IV



Le Seigneur local Messire de Vivet de Servezan.



En l’an 1737 Paul de Reynaud fils de Frédéric Antoine de Reynaud Seigneur de St André d’Olérargues vend la terre à Messire André Louis de Vivet de Servezan Capitaine d’infanterie.

Voici un extrait de l’acte de vente citant les biens acquis par Vivet de Servezan :

« (…) consistant en un château, des paillers (granges), des manses (c’est une grande ferme que le seigneur fait exploiter pour son propre compte par un locataire), terres cultes et incultes, jardins, olivettes (oliveraies) et autres propriétés le tout noble et exempt de toute imposition des deniers royaux, (les nobles et le clergé étaient exempts de taxes et impôts) (…) Comme aussi lui a vendu (…) les censives que les habitants du lieu et autre emphytéotes (bénéficiaires de baux à long terme) lui servent tant en général qu’en particulier avec les droits de lods » (taxes seigneuriales prélevées à chaque fois qu'une terre censive était vendue).

Pendant vingt ans, de 1737 à 1758 Messire de Vivet de Servezan ne produit aucun document relatif à la gestion de ses biens et considère qu’ils sont tous nobles, même les terres et biens qu’il avait acheté dans le taillable aux paysans endettés qui ne pouvaient plus payer leur charges. Les Consuls et la Communauté de Saint André d’Olérargues vont finir par contester cette nobilité foncière de la part du seigneur et réclamer une enquête et mettent en suspicion sa probité et sa délicatesse par rapport à sa prétention sur les biens qu’il s’attribue sur le territoire. Nous allons voir tout ceci en détail.

Le trois juillet 1744 a lieu la dernière assemblée de la communauté, et la dernière délibération prise par ladite communauté du lieu de St André Dolleyrargues sous l’autorité de Jean Roman en tant que consul, il y est question de l’autorisation de vendre une coupe de bois de chênes verts s’étendant de Christol jusqu’au bord de Vionne. Depuis cette date Jean Roman régisseur des terres seigneuriales et habitant au château et Jean André se partagent la tache consulaire à tour de rôle jusqu’en 1757 au profit du Seigneur de Vivet de Servezan et plus d’autres assemblées communales ne sont convoquées, soit pendant plus de treize années.

Finalement une partie majoritaire des habitants, entrainée par une génération plus jeune et sans doute plus instruite car quelques uns savaient lire, finirent par reprendre les rênes de la communauté. Profitant du jour de la St André ou il est de tradition au village d’élire les consuls, ils réussirent à évincer Jean Roman.

En 1764, à la mort de Messire de Vivet de Servezan il a pour successeurs Madame Elisabeth de Laurens sa veuve et Messire Gabriel de Bruey baron d’Aigalliers son gendre. Ils vont continuer d’entretenir le litige avec les consuls et la communauté et même reprendre les hostilités, nous en parlerons le moment venu.

L’histoire commence vraiment lorsque la communauté réussit enfin à reprendre le pouvoir malgré la pression du Seigneur et de quelques notables qui lui sont fidèles. Ainsi nous apprenons à la lecture de la délibération de l’assemblée communale du 30 Novembre 1757 Jour de la St André l’élection consulaire et l’éviction de Jean Roman consul sortant et rentier de Messire Vivet de Servezan. (Les termes et l’orthographe d’origine ont été fidèlement reproduits)

« L’an mil sept cent cinquante sept et le trentième jour du mois de Novembre fête de la St André au lieu de St André Dolleyrargues par devant nous Pierre Coste plus ancien, le conseil convoqué en assemblée dans la maison communale auquel ont été présents et opinant Michel Soullier, Baptiste Ponsonnet, Estienne Beylesse, Jean Prade, François Lauron, Pierre Lauron, Louis Fontanille, Jean Vignal, Pierre Fontanille auxquels a été proposé qu’il est d’usage dans cette communauté de procéder à l’élection consulaire.

A pareil jour qu’aujourd’hui feste de St André et que les consuls qui sortent soient autorisé de venir au présent conseil ouïr Me Sauze de St André dans la vue de rester en place, mais comme leur charge est finie aujourd’hui qu’ils n’en sont plus consuls et qu’ils savaient même défendu de la continuer suivant l’arrêt du conseil du 30 aout 1730 sans la permission expresse de Monseigneur l’Intendant qui en pourrait même l’accorder que dans un cas extraordinaire il est requis qu’il soit procédé suivant l’usage en la manière ordinaire à l’élection consulaire.

Laquelle proposition mise en délibération a été unanimement délibérée et nommé en la forme ordinaire pour leurs nouveaux consuls Michel Soullier et François Lauron habitants dudit lieu de St André pour faire les fonctions jusqu’à la fête dudit St André prochain auquel jour la communauté a coutume de procéder à la nouvelle élection, lesquels Soulier et Lauron ici présent ont accepté ladite charge et prêté le serment en tel cas requis la main mise sur les Saints Evangiles entre les mains dudit Sieur Coste la main mise sur les St Evangiles moyennant lequel, ils ont promis de remplir leur fonctions suivant Dieu et conscience, les conditions les procédures irrévocables de la communauté, soutenir les intérêts de la dite communauté et de la veuve de l’enfant orphelin dans toutes les affaires agissante et défendante de ladite communauté, l’assemblée a continué nous-dit Jean Dezier pour greffier conformément à la dite communauté et prêté aussy le serment requis.

Ainsy a été délibéré de tout. Les sachant écrire signent et les autres y mettent une X.
Signé : Soullier consul. Lauron. Vignal. Prade. Coste plus ancien. »

Jean Roman, aux ordres de Messire Vivet de Servezan était resté près de vingt ans au poste de consul, avec la complicité de certains et la lâcheté des autres.
Une nouvelle génération d’habitants décidés va prendre sa place et attaquer le Seigneur en justice.
Comme nous allons le voir celui-ci avait confisqué le Compoix de 1633 et le gardait enfermé au château. Le Seigneur n’habitait pas dans cette bâtisse il avait d’autres demeures à sa disposition pour lui servir d’habitation. C’est Jean Roman qui y résidait en tant que régisseur il devait seulement entretenir en permanence un logement en état pour le Seigneur et sa famille lors de ses déplacements, ainsi que de lui assurer le couvert le temps de son séjour.
C’est donc Jean Roman et ceux qui travaillaient avec lui, qui avaient la garde du compoix.
Ayant le Compoix à leur disposition, c’est Jean Roman et le Seigneur qui déterminaient qui et combien devaient payer de taille. C’est ainsi que plusieurs familles complices ne payèrent rien pendant quelques années en échange de services rendus à Messire de Vivet de Servezan.

Quelques explications relatives aux compoix.

Les compoix sont les cadastres de l’Ancien Régime, documents fiscaux servant à fixer le montant de l’imposition foncière (compoix terrien) ou des biens meubles (compoix cabalistes). Utilisés dans le sud de la France depuis le XIII° siècle, ils étaient établis par des arpenteurs, sous le contrôle des autorités désignées du village et des villages voisins en cas de mitoyenneté.

Ces documents précisaient pour chaque propriétaire son « présage », c’est à dire les limites de chaque parcelle, leur surface, leur nature, leur qualité en degré (de 0 pour les maisons et jardins à 9 pour les hermes et les mauvaises terres selon leur «fertilitat et infertilitat, comoditat et incomoditat», leurs confronts aux quatre points cardinaux (levant, couchant, bise et marin). Sur cette base ils établissaient donc, pour chacune parcelle un présage (évaluation foncière) qui servait de calcul à l’allivrement (inscription au compoix de la valeur) et la cottisation qui en découle et qui est l’impôt réclamé par la Cour des Comptes, des Aides et Finance de Montpellier (Hôtel des Impôts).
Il faut bien se rappeler ces définitions car nous en parlerons souvent.
Les compoix sont donc un reflet fidèle de l’utilisation du territoire à une époque donnée et permettent de rendre compte de l’évolution des paysages dans une commune.

Quelle que soit la méthode, ce calcul est le calcul de principe, qui paraissait équitable aux yeux des contemporains parce qu'il était proportionnel à la fortune de chacun.
Mais nous savons parfois, nous soupçonnons souvent, qu'il ne satisfaisait pas les gros contribuables et qu'il subissait de leur part des corrections plus ou moins légales, soit dans son origine, soit dans son processus.

Il ne faut pas perdre de vue qu’avant l’éviction de Jean Roman, la communauté était administrée par les habitants les plus riches et les plus importants tous copieusement allivrés, comme par exemple le seigneur (qui ne payait rien en tant que noble !). Ils ont monopolisé les charges de consuls et ils ont essayé de trouver des procédés pour adoucir leur contribution, et par conséquent alourdir la part des moins riches puisque le montant de la mande ne peut être réduit.
Ces procédés, pratiqués dans toutes les communautés, sont divers et on peut citer entre autres :

1°/ Pour obtenir l'atténuation de leur "cotise" (c'est ainsi qu'on appelle l'impôt de chacun), les riches, forts de leur influence, avaient eu la possibilité de faire sous-estimer la valeur de leurs biens lors de la confection du compoix. Car les arpenteurs, les estimateurs étaient souvent gens de leur milieu, leurs homologues dans d'autres communautés et des "arrangements" ont été possibles, malgré les serments solennels. Ces sous-estimations ne sont évidemment pas décelables sur les documents, mais on constate parfois "l'oubli" d'éléments connus par ailleurs.

2°/ On conviendra que, à l'évidence, les calculs avec livres, sols, deniers, mailles, etc., sont bien loin d'avoir la simplicité de calcul du système décimal. Les erreurs sont donc possibles, disons même probables. On en relève de-ci, de-là dans les compoix, des erreurs dans les additions, sans qu'on puisse savoir lesquelles étaient involontaires et lesquelles misaient sur l'incapacité de la plupart des gens, surtout les moins fortunés, à vérifier l'exactitude des calculs.

3°/ La tricherie devient encore plus évidente lorsque ceux qui sont les gardiens des documents fiscaux se permettent de les falsifier à leur profit ou à celui de leurs amis. Il semble que ce ne soit pas rare.

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Nous devons dire ici quelques mots sur l’excellent travail de recherche que fit en 1901 le Chanoine Roman et publié dans sa Monographie concernant St André d’Olérargues. Mais nous devons aussi émettre quelques doutes sur ses conclusions et y reconnaître un certain parti-pris pour la noblesse.

Peut-être était-il un descendant de Jean Roman et qu’il tenait à préserver la réputation de son ancêtre.
Pour notre part, concernant tout ce que nous relatons ici et qui est relatif au conflit qui opposa le seigneur et les habitants, nous en avons les preuves et les documents qui les attestent, ils sont notamment, dans les archives paroissiales que nous avons consultées. Le chanoine Roman résume cet épisode de la vie communale que nous relatons ici, en 7 lignes en tout et pour tout, nous le citons :

« A cette date, le 20 mai, un procès-verbal dressé par Monsieur de Montolivet Commissaire nommé par arrêt de la Cour des Aides de Montpellier, nous révèle que Messire Vivet de Servezan eut à subir une enquête réclamée par la Communauté de Saint-André-d'Olérargues qui prétendait lui contester la nobilité foncière de la Seigneurie de Saint-André et mettre en suspicion sa probité et· sa délicatesse par rapport au présage (Compoix) des biens situés dans le lieu du territoire de Saint-André, fait en l'année 1633, et qu'on suppose avoir été falsifié par le Seigneur et son rentier. »

Il est cependant regrettable qu’il ait gardé vers lui des documents, appartenant à St André d’Olérargues, qu’il a utilisé dans ses recherches et qu’il ne les ait point restitués aux archives de la commune après utilisation. Ces documents manquent aujourd’hui ne serait-ce que pour contrôler ses dires. C’est le cas de cet arrêt dont il fait allusion, il n’est plus aux archives. Cependant nous avons la délibération du conseil communal qui a eu lieu quelques jours après et qui reprend les articles de cet arrêté. Il y a heureusement aussi, quelques documents faits en double pour le besoin des procédures et qui sont restés à la commune.





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CHAPITRE V - Le Seigneur local Messire de Vivet de Servezan.



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CHAPITRE I - Contexte historique.
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CHAPITRE III - Chronique de l’année 1757 à Saint André d’Olérargues.Il y a deux cent soixante ans !
CHAPITRE IV - Le Seigneur local Messire de Vivet de Servezan.
CHAPITRE V - Le début des hostilités avec Messire Vivet de Servezan.
CHAPITRE VI - Restitution et vérification du Compoix.
CHAPITRE VII - La vie continue mais le litige aussi.
CHAPITRE VIII - Les héritiers de Messire de Vivet de Servezan relancent les hostilités.
CHAPITRE IX - La vie continue avec ses difficultés.
CHAPITRE X - Dénouement (provisoire) du conflit entre la communauté et les Seigneurs du lieu.
CHAPITRE XI - Quelques délibérations de la vie ordinaire avant la reprise des hostilités.
CHAPITRE XII - Changement de Seigneur reprise des hostilités.
CHAPITRE XIII - Lexique.



Nous vous souhaitons une bonne lecture.